Les effets collatéraux de l'annexion sur le paysage "bistrotier" parisien !
Le 10 mai 1871, à l’hôtel “Zum Schwan“ à Francfort est signé le traité de paix entre l’Empire allemand et la France. Les signataires sont le prince Otto von Bismarck-Schoenhausen (Chancelier de l’Empire germanique) et le comte Harry von Arnim (envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. l’Empereur d’Allemagne près du Saint-Siége) d‘une part, et Jules Favre (Ministre des affaires étrangères de la République française), Augustin Thomas Joseph Pouyer-Quertier (Ministre des finances de la République française) et Marc Thomas Eugène de Goulard (membre de l’Assemblée nationale) d’autre part.
Ce traité de dix-huit articles et trois articles additionnels a pour objet de « convertir en traité de paix définitif le traité de préliminaire de paix du 26 février de l’année courante…». L’Alsace et la Moselle font désormais partie de l’empire allemand.
L’article 1 concerne les territoires : en échange des cantons de Belfort, Delle, Giromagny et quelques terres voisines, l’Allemagne étend ses possessions en Lorraine. Les articles suivants traitent de problèmes divers comme la canalisation de la Moselle, le transfert d’archives, les dommages de guerre, les relations commerciales, la liberté de circulation et d’installation des ressortissants de l’un des pays dans l’autre…
Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est l’article 2.
"Les sujets français originaires des territoires cédés domiciliés actuellement sur ce territoire qui entendront conserver la nationalité française, jouiront jusqu’au premier octobre 1872 et moyennant une déclaration préalable, faite à l’autorité compétente, de la faculté de transporter leur domicile en France et de s’y fixer, sans que ce droit puisse être altéré par les lois sur le service militaire, auquel cas la qualité de citoyen français leur sera maintenue. Ils seront libres de conserver leurs immeubles situés sur le territoire réuni à l’Allemagne.
Aucun habitant des territoires cédés ne pourra être poursuivi, inquiété ou recherché dans sa personne ou dans ses biens à raison de ses actes politiques ou militaires pendant la guerre."
C’est ainsi qu’un grand nombre d’Alsaciens a choisi de rester fidèle à la France. Beaucoup d’entre eux s’établirent à Paris et se consacrèrent aux affaires. De petites affaires, modestes au départ, dont la plupart connurent un développement spectaculaire (je rappellerai simplement le cas de Théophile Bader et ses Galeries Lafayette). Parmi ces Alsaciens, un certain nombre s’est lancé dans la restauration et a créé des brasseries : ils s’appelaient Zimmer, Lippmann, Floederer… A une époque où les noms à consonance germanique n’étaient pas particulièrement appréciés, les deux derniers ont choisi de raccourcir le leur et leurs brasseries sont devenues connues sous le nom de Lipp et Flo ! Et toutes ces brasseries ont bouleversé le paysage gastronomique parisien.
Bofinger, qui lui avait choisi de s'installer à Paris bien avant l'annexion (dès 1864) a été le premier à servir les bières à la pompe. C’est également dans ces brasseries alsaciennes qu’est née cette tradition parisienne du banc d’huîtres. Qui a été le premier à en avoir l’idée ? Ont-ils été plusieurs à l’avoir à peu près au même moment ? Il existe plusieurs hypothèses sur le sujet, mais ce qui est certain c’est que l’un de ces Alsaciens, originaire de Bourg-Bruche dans le Bas-Rhin, se fournissait chez son frère, installé en Bretagne et devenu ostréiculteur. Il s’appelait Charles Drouant et son bar-tabac (encore une nouveauté pour l'époque) allait devenir, sous la direction de son fils, un restaurant réputé et siège de l’Académie Goncourt. Il a été, de 2006 à mars 2018, propriété d’un autre Alsacien célèbre, Antoine Westermann.
Commentaires
Après l'annexion en 1871, la langue française fut interdite, on ne l'apprenait même plus dans les écoles, ceci à tel point que mon grand-père maternel, né en 1885, ne parlait pas un mot de français et que je n'ai jamais pu discuter avec lui (j'habitais en région parisienne et ne connaissais ni l'alsacien ni l'allemand..
Il semblerait que depuis, MonsieurWestermann ait vendu Drouant à la famille Gardinier, propriétaire de Taillevent.