Rendons à César ce qui appartient à César, ou plutôt à Maurice ce qui appartient à Maurice. Non, l’idée de construire une tour métallique à Paris n’est pas de Gustave Eiffel, mais bien de Maurice Koechlin !
Koechlin, un nom bien connu dans la région mulhousienne. Celui de l’une de ces grandes familles d’industriels qui ont largement contribué au développement de la ville.
Maurice Koechlin est né le 8 mars 1856 à Buhl, près de Guebwiller. Après des études au lycée de Mulhouse puis à l’école polytechnique de Zurich, il intègre en tant qu’ingénieur la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est.
Ici, une précision s’impose : certaines biographies présentent Maurice Koechlin comme franco-suisse. L’une des descendantes de la famille en a fourni l’explication : voulant éviter de tomber sous l'hégémonie allemande, toute la famille Koechlin a pris la nationalité helvétique après l’annexion de 1870. Après 1918 ils ont repris la nationalité française.
Le 1er novembre 1879, il devient chef du bureau d’études de la société G. Eiffel et Cie, spécialisée dans la construction métallique et les travaux publics.
Entre 1880 et 1884, il participe à l’élaboration du projet et à la construction du viaduc ferroviaire de Garabit (Cantal), puis il conçoit l’ossature métallique de “La liberté éclairant le monde“ du sculpteur colmarien Bartholdi.
En 1884 est décidée la tenue d’une Exposition Universelle à Paris en 1889. Koechlin et l’un de ses collègues, Emile Nouguier, ont alors l’idée de construire une grande tour métallique au centre de cette exposition. Ils la soumettent à Gustave Eiffel, qui ne s’y intéresse pas, mais leur permet néanmoins d’en poursuivre l’étude.
En collaboration avec l’architecte en chef des projets de l’entreprise, Stephen Sauvestre (qui lui donne la forme que nous connaissons) ils réalisent alors un dessin à l’échelle qui est présenté au Commissaire général de l’Exposition des Arts Décoratifs qui accepte le projet. Et cette fois-ci, Eiffel s’y associe à condition d’être le premier nommé sur le brevet déposé en septembre 1884 : “Brevet pour une disposition nouvelle permettant de construire des piles et des pylônes métalliques d’une hauteur pouvant dépasser 300 mètres“. Quelques mois plus tard, un contrat est signé, contrat par lequel Nouguier et Koechlin s’engagent à céder à Gustave Eiffel “la propriété exclusive du brevet susdit et déclarent être prêts à lui faire cession de tous leurs droits sans aucune restriction ni réserve, et à réaliser cette promesse sous la forme que G. Eiffel jugera convenable et au moment qu’il choisira. Ils le laissent aussi complètement libre, s’il le croit utile, de prendre le même brevet à l’étranger, en son nom personnel et s’engagent à lui prêter leur concours dans ce but, s’il était nécessaire“ !
Ils lui cèdent également leurs parts de propriété sur le projet et, en contrepartie, Eiffel prend à sa charge les frais entraînés par le brevet et s’engage à leur verser 1% des sommes qui “lui seront payées pour les diverses parties de la construction“.
En 1893, après une assemblée générale extraordinaire qui décide d’une réduction de capital de la société (devenue entre-temps Compagnie des Etablissements Eiffel), Gustave Eiffel quitte la présidence du conseil d’administration. Maurice Koechlin lui succède à ce poste.
Il décède le 14 janvier 1946 à Veytaux en Suisse.
Les Koechlin
La famille Koechlin a donné plusieurs maires à Mulhouse : Josué Koechlin (maire de 1811 à 1814), Jean-Jacques Koechlin (février à juin 1815 et de 1819 à 1820), André Koechlin (1830/31 et 1832-1840), Émile Koechlin (1848-1852), Joseph Koechlin-Schlumberger (1852-1863), Jean Mieg-Koechlin (1872-1887).
Elle est également indissociable de l’histoire industrielle de la ville : par de nombreux mariages, elle est liée aux familles Dollfus, Mieg, Schlumberger, Zuber… celles qui ont fait de la ville l’un des centres mondiaux de l’industrie textile.
C’est encore un Koechlin qui a épousé Henriette Reber (sœur du célèbre - à l’époque - compositeur et professeur de composition au Conservatoire de Paris, Napoléon Henri Reber), premier enfant né à Mulhouse après le rattachement à la France dont une rue (rue Henriette) porte le nom.
Et n’oublions pas le compositeur Charles Koechlin (élève de Massenet, lui-même élève de Reber !)