Vendredi-Saint, jour férié en Alsace (comme le lendemain de Noël). Héritage du passé allemand de la région, auquel nous devons également le droit local.
C’est du moins ce qu’affirment la plupart des Alsaciens.
Et cette affirmation provoque les hauts cris de quelques historiens et intellectuels qui soutiennent avec force que cela n’a rien à voir avec l’annexion, mais que cette situation particulière est due au concordat.
Un point partout, balle au centre et je renvoie les deux parties dans leur camp respectif !
Chacun détient une partie de la vérité.
Reprenons depuis le début.
Le 26 messidor an IX (15 juillet 1801) à minuit, Joseph Bonaparte (frère et représentant du Premier consul) et Emmanuel Crétet (conseiller d’état) pour la France et le cardinal Consalvi (secrétaire d’État) pour le pape, signent le concordat organisant les rapport entre l’Eglise catholique et la France. Un mois plus tard, le 15 août 1801, Pie VII ratifie le texte par sa bulle “Ecclesia Christi“.
Pour faire simple, l’église catholique, divisée depuis la révolution entre un clergé réfractaire et un clergé constitutionnel, est officiellement réunifiée. En échange de l’abandon des biens ecclésiastiques (vendus sous la Révolution), le gouvernement assure la rémunération des évêques et prêtres qui prêtent serment au gouvernement. Ils ont également l’obligation de faire réciter, à la fin de la messe, la Prière pour la République, “Domine salvam fac Rempublicam“.
Le 18 germinal an X (8 avril 1802), les articles organiques qui régissent les cultes sont étendus aux religions protestantes, luthérienne et réformée, puis, le 17 mars 1808, au culte israélite.
Il en sera ainsi jusqu’au 31 décembre 1905, quand la loi de séparation des Eglises et de l’Etat (adoptée le 9 septembre 1905 à l’initiative du député socialiste Aristide Briand) y mettra un terme.
Mais, en 1905, l’Alsace et la Moselle font partie de l’Empire allemand et ne sont donc pas concernées par cette loi.
L’article 6 du Traité de Francfort, signé le 10 mai 1871 et officialisant l’annexion de ces deux territoires, rompait clairement les liens entre les Eglises et la France :
«Les hautes parties contractantes étant d’avis que les circonscriptions diocésaines des territoires cédés à l’Empire allemand doivent coïncider avec la nouvelle frontière déterminée par l’article 1 ci-dessus, se concerteront après la ratification du présent traité, sans retard, sur les mesures à prendre en commun à cet effet.
Les communautés appartenant, soit à l’Eglise réformée, soit à la confession d’Augsbourg, établies sur les territoires cédés par la France, cesseront de relever du consistoire supérieur et du directeur siégeant à Strasbourg.
Les communautés israélites des territoires situés à l’est de la nouvelle frontière cesseront de dépendre du consistoire central israélite siégeant à Paris.»
Lors de la réintégration des trois départements dans la République Française, en 1919, les partis de gauche militèrent pour un alignement sur le droit français, mais les Alsaciens et les Mosellans, très attachés à cette spécificité (qui, pour nombre d’entre eux, faisait partie du droit local) obtinrent son maintien, confirmé par un avis du Conseil d’État du 24 janvier 1925.
Si, aujourd’hui encore, ce statut particulier existe dans notre région, et bien qu’il soit issu directement du Concordat de 1801, il résulte de l’annexion de 1871 : si l’Alsace et la Moselle étaient restées françaises, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat se serait appliquée sur leur territoire. L’assimilation du Concordat au droit local, si elle est historiquement fausse, est donc parfaitement compréhensible.